Une chimiste des sucres parmi les lauréats du prix Nobel de Chimie 2022

Actualités scientifiques Prix et distinction

Le prix Nobel de chimie 2022 a été attribué aux Américains Carolyn Bertozzi et Barry Sharpless, et au Danois Morten Meldal (1). Il récompense leurs travaux sur « le développement de la « chimie clic » et de la « chimie bioorthogonale », « utilisés notamment pour mettre au point des meilleurs traitements pharmaceutiques, y compris contre le cancer ».

Le terme « bioorthogonal » été inventé par le groupe de recherche de la glycochimiste star Carolyn Bertozzi à partir du concept mathématique d'"orthogonalité" utilisé pour décrire deux entités qui varient indépendamment l'une de l'autre. La chimie bioorthogonale est ainsi un ensemble de réactions qui peuvent avoir lieu dans des environnements biologiques sans affecter les biomolécules ou interférer avec les processus biochimiques. Elle permet donc de réaliser des synthèses organiques habituellement effectuées en laboratoire dans des organismes et des cellules vivants et de modifier de manière covalente des biomolécules avec des groupes fonctionnels non natifs dans des conditions biologiques afin de permettre leur étude et leur manipulation. En utilisant des précurseurs métaboliques des sucres modifiés par des fonctions bioorthogonales, notamment des azotures et des alcynes, Carolyn Bertozzi a démontré que les glycanes peuvent être visualisés à l'aide du partenaire approprié ouvrant la voie à la compréhension de leurs fonctions biologiques. L’équipe de C. Bertozzi a utilisé ces propriétés pour développer une multitude d’outils chimiques pour étudier les modifications des glycannes qui sous-tendent des maladies telles que le cancer, l'inflammation, la tuberculose et plus récemment le COVID-19.

Ses découvertes ont initié d’innombrables travaux dans le monde entier, y compris au sein de l’Université de Lille. En particulier, le Professeur Christophe Biot et ses collaborateurs de l’UGSF, UMR CNRS 8576, ont significativement contribué au développement de la chimie bioorthogonale (2) appliquée à l’étude de la biosynthèse de la lignine (3,4), des maladies métaboliques de biosynthèse des glycannes appelées CDG (pour Congenital Disorder of Glycosylation) (5), de la glycosylation des glycoprotéines intracellulaires (6) ou encore des processus de sialylation des cellules (7,8). La chimie bioorthogonale promet encore d’innombrables développements pour l'imagerie, l'identification et la caractérisation des biomolécules ainsi que pour l'administration et le ciblage de médicaments.

1- www.nobelprize.org/prizes/chemistry/2022/press-release/

2- https://doi.org/10.1002/anie.202101502

3- https://doi.org/10.1016/j.chembiol.2017.02.009

4- https://doi.org/10.1002/anie.201808493

5- https://doi.org/10.1039/c3cc45914d

6- https://doi.org/10.3390/molecules25194501

7- https://doi.org/10.1021/acs.bioconjchem.8b00529,

8- https://doi.org/10.1007/s10545-017-0118-3